My only friend was the man in the moonC'était les premières neiges de l'année, à Målselv, le 20 Novembre 2002. Le couple moldu d'Eda et Nikolaï Löfgren accueillait leurs enfants tant attendus, après de mains essais - enfin, presque...
Eda était une jeune femme dont le corps pouvait sembler plutôt frêle - certes, il ne l'était pas forcément, mais elle était assez fine et petite de base, très menue. Elle était très énergique, et prenait soin de son corps en faisant régulièrement du sport et avait une alimentation très équilibrée.
Nikolaï et elle avaient toujours rêvé d'une petite famille chaleureuse, mais ils avaient toujours eu beaucoup de mal à procréer, malgré tous leurs essais. La joie avait donc éclaté lorsque Eda était finalement tombée enceinte - mais ce fut une plus grosse surprise encore d'apprendre qu'elle attendait des jumeaux. Excités par la nouvelle, ils avaient tout de suite trouvé deux noms de chaque genre pour nommer leurs enfants : Klaus et Lukas pour des garçons, Ayna et Anya pour des filles.
Le couple était aux anges.
Seulement, porter des jumeaux avec la carrure d'Eda n'était pas la plus mince affaire. La pauvre femme était constamment fatiguée, elle enchaînait les malaises et les fausses alertes, et passait ses journées à être malade. Les médecins l'avaient averti que son état était inquiétant, et qu'elle devrait peut-être songer à avorter ou à choisir un de ses enfants dès le début de sa grossesse - mais la jeune femme avait refusé, déclarant qu'elle serait capable de donner naissance à deux magnifiques enfants en pleine forme.
Elle s'était battue jusqu'au bout, et avait donné tout ce qu'elle pouvait pour accueillir ses deux bébés.
Cependant, le jour de la naissance avait donné lieu à des complications. L'accouchement avait été long et douloureux, les médecins ne savaient pas s'ils allaient pouvoir sauver ne serait-ce qu'une personne sur les trois concernées.
Après plusieurs heures de travail, les deux petits garçons naquirent - mais seulement l'un d'eux survit. Alors que l'horrible nouvelle tombe, la femme dévastée mais bien vivane serre les deux corps contre elle - l'un vivant, l'autre mort - tandis que les médecins lui demandent comment elle souhaite nommer son enfant. Eda regarde alors son mari et lui serre la main, avant de s'adresser au personnel médical :
« Klaus Lukas. »
***
Tu as toujours eu l'impression qu'il te manquait quelque chose.
Tu ne sais pas pourquoi, mais depuis que tu es né, tu as une sensation... Vide. Certes, tu es heureux et tu t'amuses, tu es un enfant plein de vie, énergique et qui joue tout le temps - mais tu as constamment l'impression qu'il te manque quelque chose, quelqu'un. Papa et Maman ont pourtant toujours été là, et ils se sont toujours bien occupés de toi - peut-être même trop, comme s'ils avaient peur que tu disparaisses. Tu as l'impression qu'ils te cachent quelque chose, parfois - ils semblent être tristes à propos d'un Lukas, mais tu sais que Lukas est ton deuxième prénom, alors tu ne sais pas. Tu te dis que peut-être qu'ils t'ont nommé Lukas en hommage à quelqu'un d'autre, mais tu n'as pas plus d'explication. Alors parfois, quand tu construis un bonhomme de neige dehors, tu lui dis que comme il n'a pas de nom, tu lui donnes un des tiens - Lukas - et tu joues avec lui. Quelque part, tu as l'impression que Lukas est une personne importante, il devient ton ami imaginaire, et remplace plus ou moins le vide que tu ressens depuis ton plus jeune âge.
Rapidement, tu as commencé à montrer des signes de magie - probablement autour de tes trois ou quatre ans. Tes parents avaient au début un peu peur, mais le frère de ta mère, Ulf - qui vivait en Australie - avait apparemment les même particularités, et elle l'avait donc contacté pour en savoir plus. Visiblement, tu avais toutes les caractéristiques d'un futur sorcier. Ulf avait dit connaître une très bonne école de magie non loin de chez lui et qu'il pourrait vous accueillir si besoin - et que ta mère pouvait également le contacter si elle avait des questions. Il avait rassuré tes parents, déclarant que c'était normal que tes pouvoirs se manifestent à cet âge, et qu'ils allaient se calmer en grandissant. Il avait également fait parvenir des contacts de sorciers Norvégiens à ta mère en cas d'urgence, si elle ne pouvait pas le contacter lui.
Soulagés, tes parents étaient alors excités de savoir que tu possédais de la magie. Toi, tu ne comprenais pas encore grand chose, mais tu étais tout de même content - on t'avait dit que tu pouvais faire de la magie, et tu te disais que c'était génial, que c'était comme dans les films ou les livres. C'était juste dommage que tu n'aie pas le droit d'en parler à tes amis, mais tu comprenais que c'était un secret à garder.
Environ deux années plus tard, tu fis la découverte d'une partie sombre du monde magique.
C'était une sombre nuit de pleine lune, où tu rentrais d'une randonnée avec tes parents dans les environs de Dividen. Vous étiez encore dans les bois, et bien que fatigué, tu débordais encore d'énergie. Et puis un gros loup s'était montré sur le chemin. Insouciant, tu ne pensais qu'à la touffe de poils que tu pourrais approcher - et tu t'étais donc rué vers l'animal qui ne semblait pas le moins du monde effrayé par toi. Au contraire, même... Il semblait enragé, agressif. Mais toi, tu ne pensais pas qu'un gros toutou puisse te faire mal. Toi, tu voyais seulement du bon dans la boule de poil - et puis, même s'il semblait plus gros, c'était courant de voir des loups ou des chiens de traîneau y ressemblant fortement, en Norvège. Donc tu n'avais aucune raison de te sentir en danger par rapport à cet étrange loup.
Mais tu n'avais pas parcouru la moitié de la distance qui vous séparait que le gros loup s'était jeté sur toi et avait planté ses crocs dans ton bras gauche.
Il y avait eu un court moment où le temps semblait s'être arrêté - où tes yeux s'étaient écarquillés, sous la surprise et la douleur. Où d'un coup, tu n'entendais plus rien. Où tout semblait se passer au ralenti.
Et puis, tu avais hurlé - et le temps avait repris son court normal.
Le loup te mordait toujours le bras, et les larmes t'étaient montées aux yeux. Tu commençais déjà à voir flou, et la douleur s'était répandue partout dans ton corps. Tu t'étais effondré au sol, tentant de te débattre en vain - la douleur te paralysait complètement. Ta vue se brouillait, et tu commençais à ne plus très bien entendre ce qui se passait autour de toi. Tu avais cru entendre des voix extérieures, apercevoir du mouvement dans les alentours - mais tu t'étais évanoui très rapidement, couvert de sueur et haletant sous la fièvre qui était rapidement montée.
Le reste, tu ne t'en souviens pas vraiment.
***
Tu ne te souviens pas vraiment de ce qui s'est passé ensuite, mais tu as l'impression d'avoir vécu un enfer. Tu avais chaud, tu transpirais, ton corps entier te brûlais de partout - tu souffrais, tu avais envie de hurler, mais tu avais l'impression d'avoir les poumons remplis de cendres. Tu avais l'impression d'alterner entre la conscience et l'inconscience. Et tu avais l'impression d'être resté dans cet état pendant des jours, des semaines des mois - que c'était interminable. Et puis ça s'était calmé, et tu avais sombré dans un profond sommeil sans rêves.
Lorsque tu ouvris les yeux, tu étais encore épuisé. Dans ta chambre, il y avait un inconnu. Tu avais alors pris peur, mais tu étais trop fatigué pour crier. Il avait remarqué la terreur dans ton regard, et n'avait pas insisté - appelant seulement tes parents qui avaient accourus vers toi, morts d'inquiétudes. Ils semblaient sains et saufs, et avaient seulement d'horribles mines à cause de l'angoisse qui les avaient rongés.
On te raconta alors ce qui s'était passé : la bête qui t'avais attaquée était un Loup-garou, surveillée par les autorités magiques. Après qu'il se soit jeté sur toi, les sorciers qui le suivaient étaient arrivés et avaient réussi à le repousser, protégeant alors tes parents. Mais tu avais déjà été mordu, alors tu avais besoin de soins intensifs sur le champ - et ils t'avaient donc emmenés, toi et tes parents, dans un endroit où tu recevrais les soins nécessaires. Tu avais passé deux jours entiers à combattre l'infection, et un autre à dormir. Ta survie n'était pas certaine, ce qui expliquait l'état de tes parents. Les autorités avaient d'ailleurs discuté avec eux et manqué de leur lancer un sort d'oubli - cependant, tes parents avaient déclaré qu'ils étaient déjà au courant pour le monde magique, et que tu étais probablement un sorcier.
Ils avaient ensuite déclaré que suite à ta morsure, tu avais été infecté par la lycanthropie, et que tu étais maintenant un loup-garou puisque tu avais survécu. Cela impliquait qu'à chaque nuit de pleines lunes, tu te transformerais en une bête féroce comme celle rencontrée, et que tu ne pourrais te contrôler. Ils avaient donc proposé de te prendre à part, pour plus de sécurité. Mais tes parents avaient refusé - ils voulaient te garder près d'eux malgré le danger, mais garderaient contact avec les autorités. Ils songeaient à déménager chez Ulf, qui saurait probablement comment gérer le problème tout en leur permettant de rester près de toi - mais voulaient essayer quelques mois ici, voir s'ils arrivaient à gérer le problème eux-mêmes.
Tout ça, ça faisait beaucoup à emmagasiner pour toi. Tu avais du mal à réaliser. Tu regardais ton bras qui présentait encore la cicatrice. Étais-tu vraiment devenu un monstre ? Représentais-tu réellement une menace ? On t'avait dit que tu garderais ta lucidité le reste du temps, et que tu perdrais seulement le contrôle les soirs de pleine lune - mais cela ne voulait pas dire que tu ne blesserais personne. Ça te faisait peur, tout ça, très peur.
On t'avait ensuite laissé te reposer et reprendre des forces. Dès que tu fus sur pied, tu commenças à plus observer le ciel la nuit - certes, tu le faisais déjà avant, mais tu pris plus de temps pour regarder les étoiles et la lune. Ça t'intriguait. Tu avais toujours aimé les étoiles, les astres, la lune - et aujourd'hui, tu te demandais comment un simple satellite pouvait te faire perdre le contrôle de toi-même.
C'était inimaginable - et pourtant vrai. Tu redoutais le moment à venir, et en même temps, tu ne pouvais pas vraiment blâmer la lune.
Le mois suivant arriva bien trop vite, et ta première transformation aussi. Tu avais commencé à te sentir mal quelques jours avant ta transformation, devenant plus pâle que d'habitude, et tombant plus ou moins malade - Insomnie, nausées, mâle de crânes, la totale.
Et puis le jour en question avait été un enfer. Ton malaise s'était décuplé, tu te sentais mal, tu avais le tournis sans cesse. Avant que le soleil ne se couche, tes parents t'avaient enfermé à contrecœur dans la cave, qui donnait sur le jardin. Ils avaient bien sécurisé les portes pour que tu ne puisses pas sortir, et tu t'étais recroquevillé dans un coin. Et dès que la nuit était tombée, ça avait été horrible.
Tout d'abord, ça avait commencé par une sensation de suffocation. Puis, ton torse avait commencé à te brûler. La sensation de brûlure s'était ensuite répandue dans tout ton corps, et tu avais commencé à hurler, griffant tes habits, les déchirant - essayant de respirer et d'arrêter cette sensation. Une intense douleur s'était ensuite propagée dans ton corps, te faisant trembler comme une feuille. Hurlant à la mort et agenouillé au sol, tu finis par te transformer en la bête, perdant totalement contrôle de toi-même. Tu devins alors une bête déchaînée, hurlant, attaquant les murs, la porte, griffant et mordant tout ce qui se trouvait sur ton chemin. Et cela dura toute la nuit, jusqu'à ce que la lune disparaisse.
Quand tes parents vinrent te chercher au petit matin, ils furent terrifiés par l'état de la salle. Terrifié par la sauvagerie qui t'habiterait ces nuits-là, mais aussi terrifiés par l'idée que tu puisses te blesser. Mais au lieu de te fuir ou de te mettre à la porte, ils te serrèrent contre eux, déclarant qu'ils ne t'abandonneront jamais, et qu'ils trouveront une solution.
Ils avaient de l'espoir, eux, au moins.
Ainsi, ta misérable vie de souffrance continua. Chaque mois, tu subissais l'horrible et douloureuse transformation - chaque mois, tu avais l'impression que c'était encore pire que le précédent. Tu commenças à devenir plus discret, plus distant avec les autres - tu avais peur que ta nature se réveille même hors des nuits de pleine lune. Tu avais peur de pouvoir blesser ou transformer tes amis accidentellement, même si on t'avais dit que tout devrait bien se passer. Petit à petit, tu commenças à être trop effrayé par toi-même pour laisser les autres t'approcher.
Et petit à petit, tu commenças également à te demander pourquoi tu avais survécu.
Vint alors une fameuse nuit de pleine lune, alors que tu avais huit ans, où encore une fois, tu étais enfermé dans la cave. Cependant, à force de hurler à la mort chaque mois et de griffer et frapper la trappe qui menait à l'extérieur, tu avais attiré l'attention de tes voisins. Ils étaient venus toquer à la porte de tes parents, demandant que pouvait bien être ce raffut puisque vous n'aviez apparemment pas de chien. Ils avaient dit que ça commençait à bien faire, et que peut importe ce qui se passait avec leur animal, il fallait que ça s'arrête. Ils n'étaient même pas sûr que c'était bel et bien un chien, ils ne pouvaient se douter que c'était toi qui souffrais et qui étais instable - mais ils voulaient que ça cesse.
Sans écouter tes parents, ils s'étaient donc rendus dans le jardin pour aller ouvrir la trappe et laisser fuir la pauvre bête souffrante, selon eux. Tes parents avaient beau essayé de les retenir, ils se débattaient en déclarant que c'était de la maltraitance animale, ce qu'ils faisaient - que s'ils ne les laissaient pas faire, ils finiraient par appeler les autorités. Toi, ton odorat et ton ouïe s'étaient agités, alors tu frappais de toutes tes forces contre la trappe pour l'ouvrir. Et à force de t'exciter contre celle-ci, elle finit par se briser.
Tu t'étais donc jeté sur la première personne face à toi - donc ton voisin, la clouant au sol. Tu avais failli le mordre, mais ton père avait tenté de repousser - et tu t'étais débattu en lui griffant le visage. Hurlant de douleur, il s'était écroulé en se tenant l’œil, tandis que ta mère semblait appeler les secours.
Tu allais te jeter sur ton père et le mordre, mais tu fus repoussé au même moment par un violent coup - tu n'avais pas très bien compris ce qui se passait, sur le moment présent, mais on t'a expliqué plus tard que les autorités sorcières vous surveillaient, par plus de sécurité. Ils t'avaient mis hors d'état de nuire pour le reste de la nuit, puis avaient jeté un sort d'oubli à tes voisins et avaient dit à tes parents que vous ne pouviez plus rester ici. Qu'il fallait que vous partiez avec une vraie solution, où ils t’emmèneraient avec eux pour plus de sécurité.
La décision avait donc été immédiate : vous rejoindriez ton oncle sorcier Ulf, qui saura déjà mieux gérer les situations.
Le lendemain, vous étiez déjà partis. Toi, tu étais dévasté. Tu ne parlais plus, recroquevillé dans la voiture. Ton père avait perdu un œil, mais il allait bien. On t'avait dit que le voisin aussi, mais tu ne pouvais pas en être sûr. Tu revoyais les scènes comme un film - tu revoyais tout clairement, tout en sachant que tu étais incapable de te contrôler. Ça te frustrait... Ça te frustrait terriblement.
Tu voulais que tout cela cesse. Tu voulais arrêter ce massacre, arrêter d'être un danger pour tout le monde...
Disparaître, en un sens.
Le voyage dura quelques jours, le temps que vous atteigniez l'Australie, puis que vous preniez la frégate qui vous amènerait jusqu'à l'île où vivait ton oncle. Il vous avait reçu dans une maison un peu isolée des autres, assez grande, qui vous permettrait de vivre tous ensembles, et de gérer ta nature sans souci de blesser les autres.
Et ainsi, la vie reprit son cours. Toi, tu étais encore dévasté par l'accident. Tu t'en voulais terriblement. Tu n'arrivais plus à regarder ton père en face, même s'il t'avait dit que ce n'était pas ta faute. Toi, tu estimais que c'était la tienne.
Tu estimais que tu devais être capable de garder le contrôle, ou alors tu ne méritais pas d'avoir survécu.
Les années passèrent, tu devins plus fermé et plus reclus sur toi-même, ne laissant personne t'approcher et parlant à peine avec ta famille. Le petit Klaus joueur et joyeux avait disparu. Tu n'étais plus qu'une coquille vide et muette, fermée sur elle-même.
L'année de tes 11 ans, tu reçus une lettre pour entrer à Tjukurpa, l'école de Magie du coin. Toi, tu n'étais pas sûr que ça soit une bonne idée - mais ton oncle avais tenté de te rassurer. Il ferait en sortes pour que malgré ta nature, tu puisses t'épanouir à l'école - il était persuadé que la direction avait ce qu'il fallait pour accueillir des élèves comme toi.
Tu avais alors accepté, plus ou moins. Peut-être que l'on t'apprendrait comment te contrôler ?
Tu es donc entré à Tjukurpa, et commença tes années en tant qu'élève. Tu continuas à éviter les autres, par peur de leur attirer des ennuis ou de les blesser. L'école avait effectivement ce qu'il fallait pour les nuits où tu ne te contrôlais pas, et tu pus donc faire en sorte qu'aucun élève ne soit blessé.
Tu décidas également de rester au sein de l'école à chaque vacance, malgré l'insistance de tes parents pour que tu rentres. Pour toi, c'était la meilleure chose à faire : au moins, tu étais sûr de ne pas les blesser. Tu continuas à discuter avec eux par lettre, cependant - mais tu ne pensais pas nécessaire de les voir. Pour toi, en restant enfermé à Tjukurpa, tu les protégeais de potentielles attaques de ta part.